Antonio de Villegas
L’Abencérage
Dans la philosophie antique, la vertu est un ensemble de quatre valeurs principales : le courage, la justice, la tempérance et la sagesse. En mettant face à face deux personnages, l'un chrétien l'autre musulman, Antonio de Villegas démontre que tous deux possèdent ces quatre qualités. (...) Puisant dans la pensée antique, Villegas tente d'établir un nouvel ordre, en dehors du champ religieux. (...) Dans cette optique, L'Abencérage (1565) est un texte subversif car les valeurs qu'il promeut s'opposent de façon radicale au processus d'unification religieuse qui élimine la liberté de conscience. (Isabelle Taillandier)
Titre original : El Abencerraje (Espagne)
Traductrice : Isabelle Taillandier
Postface : Eduardo Torres Corominas
Illustrations : Louise Heugel
Date de parution : 18 mai 2017
ISBN : 978-2-9558910-2-5
84 pages, broché, format 11x18
Prix : 8 €
Quatrième de couverture
Ce délicieux récit, érigé en parangon du meilleur humanisme propose, au travers de la fiction, un exemple de relation entre individus professant des fois différentes mais qui, grâce au dialogue, posent sur l’échiquier un système de valeurs de portée universelle, basé sur une vertu permettant de maîtriser tout type d’affrontements, le tout dans un très grand respect de la liberté de l’autre. C’est seulement en suivant ce chemin, par le biais de la parole et de l’exemple personnel, qu’il est possible de restaurer l’harmonie entre les hommes, sans modifier violemment ou de quelque façon que ce soit leurs caractéristiques identitaires. C’est donc un texte idéaliste mais complètement engagé dans la réalité de son temps, un texte dans lequel on montre comment changer ce monde de dissensions et de différences à travers le seul chemin vraiment possible et durable : celui qui passe par la transformation du cœur de l’homme. (Eduardo Torres Corominas)
A propos de l'auteur ...
Antonio de Villegas (vers 1522-1578) est un écrivain espagnol. Il appartient à une famille de nobles castillans installés à Medina del Campo (Castille et Léon) et imprégnés des valeurs humanistes de leur époque. Après avoir vécu une période de splendeur, la famille a été peu à peu écartée de la Cour à mesure que les groupes les plus intransigeants prenaient de l’importance. En 1565, Antonio de Villegas publie sous le titre Inventario un recueil regroupant récits courts et poèmes. A côté de ses occupations littéraires, Antonio de Villegas s’est consacré à la culture de la vigne et à la production du vin. Les éditions de la Reine Blanche ont publié en 2017 L’Abencérage, récit inclus dans l’Inventario, traduit de l’espagnol et présenté par Isabelle Taillandier, postfacé par Eduardo Torres Corominas et illustré par Louise Heugel.
©Madrid, Biblioteca Nacional, R 2159
Extrait 1
Les cinq premiers chevaliers chevauchaient tout en devisant quand l’un d’entre eux dit soudain : « Compagnons, arrêtez-vous. Si je ne m’abuse, on vient. »
Ils se cachèrent dans un bois qu’il y avait près du chemin et entendirent du bruit. Attentifs, ils virent s’approcher d’eux un noble maure sur un cheval rouan. Il était grand, son visage était agréable et il montait avec une belle prestance. Il portait une marlota rouge cramoisi et un albornoz damassé de la même couleur, bordé d’or et d’argent. Sur sa manche droite repliée était brodé le portrait d’une magnifique dame. Dans une main, il tenait une énorme et belle lance à deux fers, une adarga dans l’autre, et un cimeterre sur son flanc. Un long turban entourait sa tête, l’embellissant et le protégeant tout à la fois. Le maure approchait dans ce costume, fort élégant, chantant une chanson qu’il avait composée dans le doux souvenir de ses amours : « Né à Grenade / Elevé à Cartame / Pris d’amour à Coín / Près d’Alore / D’une belle Maure. »
Le talent du chanteur était discutable mais le maure ne cachait pas sa joie et son cœur énamouré remplissait de grâce tout ce qu’il disait. Sous le charme, les cinq chevaliers faillirent le laisser passer jusqu’au moment où ils lui firent face. Se voyant menacé, le maure se ressaisit et attendit leur réaction. (pp. 29-30)
Extrait 2
On m’appelle Abindarráez le Jeune pour me différencier d’un oncle, frère de mon père, qui porte le même prénom. J’appartiens à la famille des Abencérages de Grenade dont tu auras souvent entendu parler. Je souffre suffisamment maintenant sans avoir besoin de raviver les blessures du passé, mais je veux quand même te raconter ce qui suit.
Ma lignée était la fleur du royaume de Grenade et ses chevaliers surpassaient tous les autres en noblesse, habileté et courage. Ils étaient autant estimés du roi et de l’ensemble des chevaliers qu’aimés et respectés du peuple. Chaque fois qu’ils participaient à des combats, ils en sortaient vainqueurs, et se distinguaient par ailleurs dans toutes les joutes. Ils organisaient des fêtes et tout le monde copiait leurs parures si bien qu’on pouvait dire qu’ils faisaient la pluie et le beau temps, en temps de paix comme en temps de guerre. On dit que jamais on ne vit d’Abencérage mesquin, lâche ou malhabile. Nul ne pouvait se prétendre Abencérage sans courtiser une dame. Nulle ne pouvait se prétendre dame si elle n’était courtisée par un Abencérage. La fortune, jalouse de leur succès, voulut leur ruine. Voici comment. (p. 34)
catalogue | la maison d'édition | contact
©2022 - les editions de la reine blanche - SIRET : 821 958 667 00015 - création : vb-cg.fr