Traduit de l’espagnol par Isabelle Taillandier
Je me retrouvai dans la rue après avoir passé neuf ans en prison. Pendu à mon bras, j’avais un balluchon de vêtements et dans la main droite un mouchoir aux quatre bords duquel j’avais attaché six pésètes. J’avais aussi autre chose, un document qui, révélant d’où je venais, me fermerait toutes les portes de travail, éloignerait de moi toute personne appréciant quelque peu la liberté : mon extrait de casier judiciaire.
Luisa CARNÉS (1905-1964) est une écrivaine espagnole, appartenant au groupe littéraire de la Génération de 27. Née dans une famille humble, elle abandonne l’école à onze ans, commence un apprentissage chez une modiste puis devient serveuse dans une pâtisserie. Elle raconte cette dernière expérience dans son roman Tea Rooms (1934). Son sens inné de la justice et sa conscience politique l’amène d’abord à soutenir l’avocate et députée Clara Campoamor dans son combat pour le droit de vote des femmes, obtenu en 1931. En 1936, quand éclate la Guerre civile, elle soutient la cause républicaine. En 1939, forcée de quitter l’Espagne, elle s’exile au Mexique où elle vivra jusqu’à sa mort.