Traduit de l’espagnol par Isabelle Taillandier
A et B fixèrent leurs yeux au même moment sur le même manteau, celui qui depuis quelques jours s’étalait, magnifique et très bon marché, dans la vitrine de Lonely Modas. C’était un manteau d’homme, croisé, en tissu bleu marine avec six boutons métalliques en vieux cuivre et des boutonnières rouge grenat, un grand col élégant, quatre boutons à chaque poignet et deux poches fines de chaque côté avec un simple ourlet. Un manteau ajusté, distingué et moderne à la fois, original et élégant, très beau. A et B, qui avaient le même âge, faisaient la même taille et avaient la même silhouette, entrèrent en même temps dans la boutique et appelèrent en même temps la vendeuse. Mademoiselle, le manteau qui est en vitrine. Elle, serviable bien qu’un peu nerveuse, s’occupa d’eux, pensant qu’ils étaient ensemble. (Le manteau)
C’était un concert spécial, plein de pompe et de solennité, mais au milieu de la douce symphonie, apparut la fausse note : très fière, résolue, se pavanant au milieu des musiciens, intrépide, présomptueuse, se sachant le point de mire. Le chef d’orchestre essaya de la faire taire d’un mouvement sec de sa baguette. En vain : elle continua comme si de rien n’était à se balader au milieu des instruments de l’orchestre. La fausse note passa du piano au trombone, puis à la viole, la clarinette et la harpe. Dans tous ces instruments, elle résonna, incohérente, démesurée, grossière. Les musiciens en sueur regardaient le chef d’orchestre qui donnait le change avec des mouvements saccadés. Levant et baissant les bras, il tentait de la contenir en donnant du nerf aux instruments à vent. (La fausse note)
Luis FORONDA (né en 1963) est un écrivain espagnol. Il a présenté pendant dix-sept ans le programme La Librería sur Radio Úbeda et a publié en Espagne des romans, des micronouvelles, des pièces de théâtre et des essais, notamment sur son concitoyen, l’écrivain Antonio Muñoz Molina.